Le communiqué diffusé à l’issue de la réunion de haut niveau du Groupe de Soutien à la Force (GSF), tenue le 9 décembre 2025 à New York, sonne comme une nouvelle ode à la « solidarité internationale » envers Haïti. Toutefois, derrière l’enthousiasme affiché, le texte révèle surtout une dépendance renouvelée – et revendiquée – du pays vis-à-vis du leadership des États-Unis et du Canada, présentés comme les véritables architectes de la « stabilité » promise.
Le gouvernement haïtien se félicite de cette dynamique « sans précédent », mais le communiqué laisse une impression : ce sont encore les puissances étrangères qui mènent la danse. La rencontre est décrite comme « présidée par le Canada », « fortement soutenue par les États-Unis », et articulée autour d’une mobilisation internationale que le gouvernement haïtien semble davantage célébrer que véritablement orienter. À aucun moment, le texte ne laisse apparaître un réel pilotage haïtien du processus ; tout est construit autour de l’engagement et des promesses extérieures.
Le discours officiel insiste lourdement sur la nécessité « absolue » de rétablir la sécurité avant toute élection libre. Or cette condition, répétée comme un mantra, devient presque un prétexte à l’absence durable d’un processus démocratique. Le communiqué annonce que le succès du GSF « doit ouvrir la voie » aux élections, mais ne donne aucune indication concrète sur la manière dont ces conditions seront réunies ni sur les mécanismes garantissant que cette phase transitoire ne s’étire indéfiniment. Le risque est clair : la sécurité, devenue préalable incontournable, pourrait se transformer en justification perpétuelle à l’absence d’échéances politiques.
Autre élément troublant : la description triomphale des engagements internationaux en « personnel spécialisé », « capacités opérationnelles » et « appui financier ». L’énumération se veut spectaculaire, mais demeure totalement abstraite. Aucune précision, aucun volume, aucune échéance. Le texte, saturé de superlatifs, ne fournit en réalité aucune information vérifiable sur l’ampleur réelle de cette mobilisation. On assiste ainsi à une proclamation d’engagements plus qu’à une présentation de moyens concrets.
Quant au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, il apparaît essentiellement comme un messager chargé de valider la feuille de route conçue avec les partenaires étrangers. Le communiqué affirme qu’il a « consolidé une coalition unie », mais là encore, rien ne permet de mesurer son rôle réel : l’essentiel du récit met en avant la direction américaine et canadienne, reléguant le chef du gouvernement au rang de caution diplomatique d’un projet déjà balisé par d’autres.
Enfin, le texte se conclut sur une promesse quasi rituelle : la sécurité restaurée ouvrira la voie à la gouvernance légitime et au développement durable. Une conclusion qui, sans mesures précises ni garanties institutionnelles, ressemble davantage à un slogan qu’à une stratégie.
En somme, ce communiqué présente comme une victoire ce qui apparaît surtout comme un aveu : Haïti continue de dépendre de décisions et de dynamiques extérieures, tandis que la perspective d’élections reste enfermée dans un futur conditionnel. Un discours volontariste qui, pour l’heure, ne dissipe pas le doute majeur : qui tient réellement les rênes de l’avenir politique et sécuritaire du pays ?
Mozard Lombard,
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