Le gouvernement haïtien se félicite, une fois encore, de sa « mobilisation totale » après le passage de l’ouragan Mélissa. Dans un communiqué soigneusement rédigé, la Primature annonce avoir tenu une « réunion de haute importance » réunissant le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, des ministres, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et la Direction générale de la Protection civile. Objectif affiché : « renforcer la coordination » et « mobiliser toutes les ressources de l’État ». Des formules rassurantes, des intentions nobles — mais pas la moindre preuve d’une action concrète.
Les grandes annonces, encore et toujours
Le texte officiel se veut martial : le MTPTC doit « dégager les routes obstruées », le MARNDR « évaluer les pertes agricoles », le FAES « distribuer vivres, eau et kits d’hygiène ». Une litanie de bonnes intentions qui réapparaît à chaque catastrophe, comme si répéter des ordres équivalait à les exécuter.
Aucune précision n’est donnée sur les délais, les moyens déployés ou les zones réellement prises en charge. Le communiqué se borne à décrire une machine administrative censée être « à pied d’œuvre », sans qu’on sache si elle a quitté la salle de réunion de la Primature.
L’art de gouverner depuis un communiqué
On chercherait en vain la moindre mention des victimes, de leurs besoins immédiats ou de la situation sur le terrain. Tout est centré sur les « instructions » du Premier ministre, les « mandats » des ministres, la « coordination » des comités. Autrement dit : beaucoup de bureaucratie, très peu d’action visible.
Le ton solennel du texte, évoquant la « volonté politique inébranlable » du gouvernement, sonne comme une tentative de masquer l’impréparation chronique de l’État face aux catastrophes naturelles.
L’éternel refrain de la “solidarité nationale”
Le communiqué s’achève sur un appel à « la solidarité de tous les Haïtiens ». Autrement dit, à défaut d’une réponse efficace des institutions, on demande encore une fois à la population de pallier les manquements de l’État.
La « mobilisation nationale » invoquée par le Premier ministre n’est pas celle des secours ni des infrastructures, mais celle des citoyens, priés de faire preuve d’« unité » pendant que le gouvernement s’auto-congratule.
Des mots, rien que des mots
En définitive, ce communiqué illustre parfaitement la gouvernance de crise à la haïtienne : une avalanche de formules creuses, un enchaînement de promesses sans calendrier, une communication sans résultat.
Face à la détresse des sinistrés, la Primature choisit la mise en scène plutôt que l’efficacité. « Le gouvernement pleinement mobilisé » ? Non : un pouvoir pleinement occupé à rédiger des communiqués pendant que le pays, lui, attend des actes.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com