Un policier abattu, un agent de la BSAP capturé et ligoté, des civils blessés… Voilà le bilan brutal d’une attaque armée survenue à Lascahobas, visant une patrouille mixte de la Police nationale d’Haïti (PNH) et de la Brigade de Sécurité des Aires Protégées. Ce n’est plus une surprise : pendant que Port-au-Prince suffoque sous la coupe des gangs, les zones rurales — longtemps considérées comme des havres de paix — tombent une à une.
Cette fois, c’est Lascahobas, dans le département du Centre, qui paie le prix fort. Une commune de plus livrée aux armes. Une commune de plus abandonnée.
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Quand les stylos ne résistent plus aux balles
Le 3 juillet, jour du dernier examen officiel de 9e année, devait être une étape décisive pour des centaines d’élèves. Mais à Lascahobas, ce jour a viré au chaos. À peine arrivés aux abords des centres d’examen, les écoliers ont entendu les premières rafales. Cris, panique, fuites. Des enfants — certains seuls, d’autres agrippés à leurs parents — ont dû fuir à la hâte, sans savoir quand, ni si, ils retourneraient en classe.
Mais faut-il encore parler d’école dans des zones où les établissements sont fermés depuis plus d’un an ? Où les enseignants fuient, où les salles de classe sont transformées en cachettes par des hommes armés ? À quoi bon rêver d’un avenir, quand le présent n’offre que violence et incertitude ?
Et pendant ce temps, où sont les autorités éducatives ? Où est le ministère ? Qui protège ces élèves ? Qui leur garantit le droit d’apprendre, de rêver, d’être simplement des enfants ?
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Lascahobas, une commune sacrifiée ?
Le quartier de Desvarieux s’est réveillé ce 3 juillet au son des armes automatiques. Les rumeurs d’attaque, devenues réalité, ont rapidement laissé place à des affrontements violents entre bandes armées et policiers. Face à l’intensité des tirs, les habitants n’ont eu qu’un choix : fuir.
Certains ont traversé la rivière à bord de pirogues, cherchant un abri, une trêve. D’autres sont restés, par peur, par impuissance ou simplement faute de moyens.
Mais encore une fois, qui protège ces citoyens ? Où sont les renforts policiers ? Qui assure la sécurité de cette population exposée ? Pourquoi cette impression constante que l’État arrive toujours trop tard — ou pas du tout ?
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Un pays qui se délite, un pouvoir qui regarde ailleurs ?
Après Port-au-Prince, Carrefour, Tabarre, Croix-des-Bouquets, Canaan, c’est maintenant aux campagnes de trembler. Les groupes armés ne se contentent plus de contrôler les quartiers urbains. Ils visent désormais les communes frontalières, les zones agricoles, les axes stratégiques.
Lascahobas n’est pas un cas isolé, c’est un signal d’alarme de plus. En juin, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a enregistré 1,3 million de déplacés internes. Et pourtant, aucune réaction à la hauteur. Pas de mobilisation nationale. Pas de message d’urgence. Le silence des autorités est assourdissant.
Quand les campagnes deviennent à leur tour des champs de guerre, où iront les Haïtiens ? Vers quel bout de terre sûre peuvent-ils encore courir ?
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Une carte qui s’efface, une nation à bout de souffle
Ce qui se passe à Lascahobas n’est pas une simple anecdote locale : c’est un symbole du naufrage d’un pays tout entier. Commune après commune, quartier après quartier, le territoire se réduit, grignoté par l’insécurité. L’État, absent ou dépassé, laisse le champ libre à la terreur.
Et la question qui dérange reste intacte :
Combien de territoires faudra-t-il encore perdre avant qu’Haïti décide enfin de se défendre ?
Combien de morts, combien de déplacés, combien de villages abandonnés avant qu’un sursaut ait lieu ?