Alors que le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé célèbre en grande pompe une opération d’aide financière à plus de 21 000 parents pour la rentrée scolaire 2025-2026, plusieurs éléments du communiqué publié le 11 octobre dernier appellent à la prudence, voire à la critique.
Selon les chiffres officiels, 332 millions de gourdes auraient été décaissées via la plateforme mobile MonCash de Digicel pour soutenir 21 549 parents d’élèves. L’initiative, portée par le FAES (Fonds d’Assistance Économique et Sociale), est présentée comme une preuve d’engagement en faveur des familles vulnérables. Toutefois, derrière le vernis d’une « action concrète », les chiffres eux-mêmes trahissent une exécution encore loin d’être aboutie.
Le gouvernement affirme avoir soumis un montant total de près de 795 millions de gourdes, mais moins de 42 % de cette somme a été effectivement transférée. Près de 463 millions de gourdes restent donc à débourser. Pourquoi une telle différence ? À ce stade, aucune explication détaillée n’est fournie sur les critères de sélection, les retards ou les éventuels dysfonctionnements dans le décaissement.
Pire encore, si l’opération se veut inclusive et transparente, les cas de comptes suspendus, de cibles non enregistrées ou de portefeuilles saturés soulignent des lacunes techniques et logistiques, pourtant prévisibles. Comment peut-on prétendre soutenir les plus vulnérables si certains d’entre eux restent exclus du processus pour des raisons aussi basiques qu’un compte mobile inactif ou saturé ?
Le recours à une plateforme privée comme MonCash soulève par ailleurs la question de la dépendance croissante de l’État à des infrastructures commerciales pour gérer des fonds publics, dans un contexte de défiance généralisée envers les institutions.
Enfin, l’absence de tout mécanisme public de suivi ou de reddition de comptes laisse planer le doute sur la destination réelle des fonds restants et sur l’impact concret de cette aide ponctuelle dans un système éducatif en crise chronique.
« Investir dans l’avenir de nos enfants », affirme le Premier Ministre. Mais investir suppose plus qu’un transfert numérique : il faut des écoles fonctionnelles, du personnel qualifié, du matériel pédagogique, et surtout, une volonté politique de long terme. Tant que ces fondations ne seront pas posées, les gestes ponctuels — aussi médiatisés soient-ils — resteront ce qu’ils sont : des palliatifs symboliques à des problèmes structurels.
Distribuer de l’argent à quelques milliers de familles à la veille de la rentrée n’est pas un programme éducatif. C’est, au mieux, une opération de relations publiques.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com