À l’heure où l’Observatoire National du Sport Haïtien (ONASH) célèbre son quatrième anniversaire, ce 15 décembre 2025, une certitude s’impose : en seulement quatre ans, cette jeune institution a bouleversé la manière dont le pays regarde son sport, ses acteurs et ses fractures sociales. Dans un climat national miné par l’instabilité, l’ONASH s’est imposé comme l’un des rares organismes capables de produire des analyses rigoureuses, d’exposer des vérités inconfortables et de remettre la réalité au centre du débat public.
Un rapport choc sur l’économie du football
Le point le plus percutant du travail de l’ONASH demeure la publication de son enquête sur la situation économique des joueurs, clubs et arbitres de football.
Un document qui résonne comme une déflagration.
L’enquête établit clairement un lien direct entre l’arrêt prolongé du championnat national et la montée de l’insécurité. Le football, pilier culturel et social du pays, s’est effondré, entraînant avec lui des centaines d’acteurs livrés à la précarité : joueurs sans revenu, arbitres abandonnés, dirigeants paralysés.
Ce rapport met à nu une réalité dure, crue, essentielle à comprendre dans un pays où le ballon rond est souvent la seule échappatoire à la violence et au désespoir.
Une alerte portée jusqu’au sommet de l’État
Le 31 janvier 2025, l’ONASH franchit une étape majeure en remettant au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé un rapport clé sur les conséquences économiques de l’arrêt du championnat national.
Cette enquête, fondée sur un travail de terrain rigoureux, démontre que la crise du sport alimente directement les tensions sociales. En d’autres termes : l’effondrement du système sportif contribue à l’effondrement du pays.
Pour plusieurs observateurs, ce document pourrait — ou devrait — devenir le socle d’une refonte urgente des politiques sportives nationales.
Le sport scolaire passé au scanner
Mais l’action de l’ONASH dépasse largement le cadre du football. Le 16 août 2024, l’institution publie une enquête inédite sur la pratique du sport dans les écoles de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince pour l’année académique 2023-2024.
Cette étude révèle des réalités souvent ignorées : pénurie d’infrastructures, absence de matériel, manque criant d’enseignants spécialisés. Pourtant, elle met également en lumière un potentiel immense, porté par l’intérêt des élèves et par l’importance vitale du sport dans leur développement personnel et social.
Cette enquête offre une véritable photographie stratégique pour quiconque souhaite repenser la place du sport dans l’éducation haïtienne.
Une première historique pour Haïti
Quelques mois plus tôt, l’ONASH avait déjà fait date.
Après deux mois de formation en éducation physique et sportive, une cinquantaine de jeunes enquêteurs — tous formés par l’institution — lançaient la toute première enquête haïtienne sur la pratique du sport et l’enseignement de l’EPS dans les écoles publiques et privées de la région métropolitaine.
Une première historique.
Une démarche pionnière qui a posé les bases d’un travail méthodologique solide et ouvert un champ de réflexion nouveau sur l’avenir du sport scolaire.
Quatre ans plus tard : l’ONASH, une voix devenue indispensable
En célébrant ses quatre ans, l’ONASH peut affirmer sans détour qu’il a transformé le paysage sportif haïtien. Son apport essentiel ? Avoir replacé la donnée, l’analyse et l’expertise au cœur de la réflexion nationale.
Dans un pays où le sport demeure l’un des derniers espaces capables d’unir, l’ONASH offre des repères solides, des constats implacables et une voix crédible. Ses enquêtes ne décrivent pas seulement l’état du sport : elles racontent l’état du pays, ses fissures, ses défis, mais aussi ses possibilités.
À travers ces quatre années de travail, l’ONASH envoie un message clair : un autre avenir est possible — à condition de regarder la vérité en face.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com