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Me Edwing Charles et Kesner Pharel appellent à une refondation du sport haïtien : entre urgence budgétaire et devoir national

Sous le toit vibrant de l’Université Quisqueya, le débat s’est transformé en un véritable plaidoyer pour le renouveau du sport haïtien. Ce mercredi, l’Observatoire National du Sport Haïtien (ONASH) a organisé une conférence-débat autour d’un thème crucial : « Analyse du budget du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) ». Présentée par l’économiste Kesner Pharel, la rencontre a réuni enseignants, étudiants, cadres du ministère et représentants d’associations sportives, dans une atmosphère à la fois studieuse et indignée.

Me Edwing Charles : “Le sport doit redevenir un facteur de changement”

Dès l’ouverture, Me Edwing Charles, président de l’ONASH, a donné le ton. Pour lui, le redressement d’Haïti passe inévitablement par une politique sportive ambitieuse et cohérente. « Le sport doit être reconsidéré comme un facteur de changement », a-t-il déclaré avec conviction, évoquant l’exemple historique de Nelson Mandela, qui avait su utiliser le sport pour réconcilier et reconstruire une nation divisée.

Se disant animé par un « devoir de dette envers le pays », Me Charles a expliqué que la création de l’ONASH découle d’un engagement citoyen : celui d’interroger l’action publique et de stimuler le débat sur la vision nationale du sport. L’Observatoire, a-t-il rappelé, a déjà soumis plusieurs enquêtes au Ministère, sans toujours obtenir de réponses à la hauteur des attentes.

Kesner Pharel : un budget sans gouvernance ni vision

Invité d’honneur de la conférence, l’économiste Kesner Pharel a dressé un constat sans appel : le sport haïtien souffre d’un sous-financement chronique et d’un manque total de gouvernance.
« Le budget, c’est à la fois une vision et une prévision », a-t-il affirmé, avant de citer Joseph Schumpeter :
« L’esprit d’un peuple, sa culture, sa structure sociale sont inscrits dans l’histoire de ses finances publiques. »

Or, selon lui, cette histoire budgétaire révèle aujourd’hui l’effondrement d’un État incapable de prioriser ses secteurs moteurs. Pour l’exercice fiscal 2025-2026, seulement 1,8 milliard de gourdes ont été alloués au MJSAC, dont à peine 400 millions pour l’investissement. « Plusieurs départements comme la Grande Anse sont totalement exclus des programmes », a-t-il dénoncé, évoquant une injustice territoriale criante qui concentre les ressources dans la région métropolitaine de Port-au-Prince.

Une économie en chute libre, un pays sans boussole

Mais au-delà du secteur sportif, Kesner Pharel a peint un tableau sombre de la situation économique nationale.
Depuis 2018, Haïti n’a enregistré aucune croissance économique, vivant sa septième année consécutive de contraction du PIB.
Les chiffres qu’il avance sont alarmants :
• la classe moyenne s’est effondrée, passant de 7 % à 2 % ;
• 35 % des Haïtiens vivent dans une situation d’extrême pauvreté ;
• aucun recensement national n’a été effectué depuis 2003.

« Le pays s’est transformé en une usine de production de pauvreté », a martelé Pharel, dénonçant aussi un endettement massif de 29 milliards de gourdes prévu dans le budget 2025-2026.

« Quand on s’endette, on a moins d’argent pour créer des activités », a-t-il regretté, accusant les responsables de « détruire la richesse au lieu de la produire ».

Le sport comme levier du développement et de la cohésion sociale

Pour l’économiste, le sport ne doit pas être perçu comme un luxe, mais comme un investissement stratégique. Il représente un espace d’emploi, d’intégration et de fierté collective. « Tant qu’il n’y aura pas d’activités économiques, il n’y aura pas non plus d’activités sportives », a-t-il averti, tout en invitant l’ONASH à intensifier son plaidoyer pour une gestion transparente et équitable des fonds publics.

Un sursaut collectif pour une nation en quête de repères

En clôturant la conférence, Me Edwing Charles a salué le courage analytique de Kesner Pharel et a renouvelé son engagement à poursuivre le combat pour un sport porteur d’avenir et d’équité. « Le pays a besoin d’un sursaut, d’une vision, d’un engagement collectif », a-t-il insisté.

Dans un contexte d’incertitude et de pauvreté grandissante, le message est clair : Haïti ne pourra se reconstruire sans repenser son rapport au sport, non pas comme divertissement, mais comme moteur de dignité et de développement national.

Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com

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