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Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a récemment adopté une résolution mettant fin aux fonctions du Premier Ministre Garry Conille. Dans une déclaration rendue public ce samedi 9 novembre, Me Bernard GOUSSE questionne cette décision qui soulève de vives interrogations sur sa légalité, tant en ce qui concerne le mécanisme de sa prise, dit-il, que le fond de la décision elle-même.
I. L’ILLÉGALITÉ DE LA PRISE DE DÉCISION
La décision de renvoi du Premier Ministre par le CPT repose sur un processus irrégulier, violant à la fois les principes liés à la composition de l’organe et ceux concernant les conflits d’intérêts.
A. L’incapacité fonctionnelle du Conseil Présidentiel
Le Décret du 10 avril 2024 créant le Conseil Présidentiel de Transition stipule, à l’article 2, que tout membre faisant l’objet d’une accusation ou d’une poursuite pénale ne peut faire partie du conseil. Cette règle s’applique indifféremment à l’intégration et à l’exercice de la fonction, excluant ainsi de facto toute personne poursuivie sur le plan judiciaire. Or, trois membres du CPT sont actuellement sous enquête pour corruption, un réquisitoire d’informer ayant été émis par le Commissaire du Gouvernement et un juge d’instruction saisi.
En vertu de cette disposition, ces trois membres sont disqualifiés et ne peuvent légalement participer aux délibérations du Conseil. Par conséquent, toute décision prise en leur présence, y compris celle visant à démettre Garry Conille de ses fonctions, est juridiquement nulle et non avenue. De plus, cette disqualification empêche la réunion régulière du CPT, qui nécessite la présence de cinq membres votants pour être valide. En l’absence de ces membres, la décision prise devient une fiction juridique sans valeur.
B. L’existence de conflit d’intérêts
Un principe fondamental du droit administratif stipule qu’une autorité administrative ne peut prendre part à une décision qui la concerne personnellement ou affecte ses proches. Or, plusieurs membres du Conseil Présidentiel ont un intérêt direct dans le contrôle du Ministère de la Justice, notamment en raison de leurs liens avec des affaires judiciaires en cours. En effet, si le Ministre de la Justice ne peut interférer dans l’instruction des enquêtes en cours, il détient néanmoins une influence hiérarchique sur le Commissaire du Gouvernement, ce qui pourrait potentiellement affecter les enquêtes visant certains membres du CPT.
L’existence de ce conflit d’intérêts majeur invalide le processus décisionnel du Conseil et entache d’illégalité la résolution visant à destituer le Premier Ministre.
II. L’ILLÉGALITÉ DU FOND DE LA DÉCISION
Au-delà des irrégularités procédurales, la décision du CPT viole également la Constitution et les textes régissant la période de transition.
L’article 158 de la Constitution précise que le Premier Ministre est responsable devant le parlement et que sa démission ou un vote de censure de l’Assemblée Nationale sont les seules voies légales pour mettre fin à ses fonctions. Le Président de la République n’a, en vertu de la Constitution, aucun pouvoir direct pour révoquer un Premier Ministre. Or, le Conseil Présidentiel, qui exerce temporairement les fonctions présidentielles durant la période de transition, ne peut prétendre exercer plus de pouvoirs qu’un Président de la République élu.
Les décrets créant le Conseil Présidentiel de Transition, ainsi que l’Accord du 3 avril 2024, lui confèrent certes le pouvoir de nommer le Premier Ministre, mais aucun de ces textes ne lui attribue la compétence de le révoquer. En l’absence d’un Organe de Contrôle de la Gestion Gouvernementale, prévu par l’Accord du 3 avril, aucune institution n’est habilitée à retirer la confiance du gouvernement. Ce vide institutionnel empêche légalement le CPT d’agir de la sorte, et toute tentative en ce sens constitue un excès de pouvoir.
Conclusion
En l’absence de procédures constitutionnelles adéquates et en raison de la disqualification de plusieurs membres du Conseil Présidentiel, la décision de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre Garry Conille apparaît comme une violation flagrante de la loi et des principes démocratiques. Elle constitue, en l’état actuel, une décision nulle et non avenue, susceptible d’être remise en cause par les institutions compétentes.
Rédaction Zantray News