La convocation de la ministre des Sports par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) n’est pas un simple acte administratif. C’est une secousse dans un système où le silence se monnaie, où les institutions sont priées de détourner le regard, et où l’impunité reste la règle. Depuis l’annonce de cette initiative, des informations concordantes font état de manœuvres souterraines, de pressions politiques et – plus grave encore – de circulation suspecte d’argent pour étouffer l’affaire et semer la confusion.
Pendant ce temps, certains juristes, autoproclamés gardiens de la Constitution, montent au créneau pour dénoncer une prétendue violation des procédures. Mais où étaient ces défenseurs de l’ordre légal quand les fonds publics disparaissaient à grande vitesse ?
Enquête administrative ≠ poursuite judiciaire
L’argument est bien connu : en vertu des articles 186 et suivants de la Constitution, un ministre en fonction ne peut être poursuivi que par la Haute Cour de justice, après mise en accusation. Mais personne n’a parlé de poursuite ! Ce que l’ULCC initie ici, c’est une enquête administrative, pleinement conforme à son mandat légal.
La convocation vise à obtenir des explications, à documenter des faits de gestion. C’est une étape indispensable, surtout dans un pays où tant d’enquêtes meurent dans l’œuf, tuées par le poids des réseaux, du silence et des complicités à tous les étages.
Le bouclier juridique des puissants
Le réflexe est désormais bien rodé : dès qu’un haut fonctionnaire est inquiété, on agite la Constitution comme un talisman magique. On oublie que le privilège de juridiction ne protège pas contre le devoir de transparence. On oublie surtout que la reddition de comptes est au cœur de toute démocratie fonctionnelle.
L’ULCC n’a ni condamné ni poursuivi. Elle enquête. Et ceux qui cherchent à bloquer ce processus au nom d’un juridisme commode jouent un jeu dangereux : celui de l’impunité masquée sous le vernis de la légalité.
L’argent comme arme de dissuasion… et de diversion
Plus inquiétant encore : selon plusieurs sources proches du dossier, des sommes importantes circuleraient déjà pour étoufferl’afaire. Distribution des enveloppes pour discréditer l’ULCC, tentatives de manipulation de l’opinion publique, négociations feutrées avec des conseillers présidentiels… tout laisse croire que l’entourage de la ministre veut éteindre l’incendie non pas par des réponses, mais par des transactions.
Cette agitation en coulisses, loin d’être anodine, confirme une chose : l’ULCC a visé juste. Quand on tente d’acheter le silence, c’est qu’il y a matière à parler.
Ne pas reculer
Dans un pays rongé par la corruption, où les scandales financiers se succèdent sans conséquences, la démarche de l’ULCC mérite d’être saluée, protégée et renforcée. Céder aujourd’hui, ce serait envoyer un message dramatique : qu’un ministre peut dilapider les ressources de l’État et se réfugier derrière une lecture biaisée de la Constitution pour ne jamais rendre de comptes.
N’oublions pas que cette même ULCC a déjà levé le voile sur trois conseillers présidentiels impliqués dans une affaire de demande de pot-de-vin de 100 millions de gourdes pour influencer un vote au sein du Conseil présidentiel. Ces hommes de l’ombre veulent aujourd’hui faire taire l’ULCC, non pour des raisons de droit, mais par vengeance.
Il est temps que les institutions se tiennent debout. Il est temps que la société civile cesse de tolérer les manœuvres dilatoires. Il est temps, enfin, que ce ne soient plus les enquêteurs qu’on menace, mais les gestionnaires publics qu’on convoque.
Rédaction : Zantray News Haïti