Le pays fait face à une menace imminente d’un arrêt total de la distribution pétrolière. En cause : la mainmise persistante de groupes armés sur le terminal pétrolier de Varreux, qui détient à lui seul 70 % des carburants du pays.
Le terminal stratégique est actuellement sous le contrôle des gangs issus du marché criminel transnational, notamment de la fédération « Vivre ENSEMBLE », dirigée par Jimmy Chérizier, alias « Barbecue ». Ces groupes armés imposent aux transporteurs de carburant des rançons allant jusqu’à 800 000 gourdes par convoi, entravant gravement l’accès des camions-citernes et paralysant, à plusieurs reprises, la chaîne de distribution.
Ce scénario n’est pas nouveau. En 2022, un blocus prolongé de Varreux avait provoqué une hausse vertigineuse de 1000 % du prix du gallon d’essence, entraînant l’essor d’un marché noir. La répétition de ces épisodes témoigne d’une instabilité chronique menaçant toute reprise normale des activités pétrolières.
À ces blocages sécuritaires s’ajoutent des failles structurelles. Le pays souffre d’une faible capacité de stockage et d’une gestion inefficace des commandes, notamment attribuée au Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD). Des retards dans les approvisionnements, aggravés par des pratiques de corruption et de mauvaise gestion, ont engendré des pénuries régulières depuis des décennies.
La libéralisation du marché en 2018 n’a fait qu’alourdir la facture pour l’État haïtien. Les subventions au secteur pétrolier atteignent désormais 23 millions de dollars par mois, et l’État accumule une dette de 7 milliards de gourdes envers les compagnies privées.
Un arrêt de la distribution pétrolière, désormais probable, est perçu par certains comme le signe manifeste d’un effondrement du pouvoir en place. Il illustre l’enchevêtrement de crises profondes : accaparement des institutions, absence d’alternance démocratique, et exclusion sociale généralisée. Haïti semble ainsi enlisé dans un cycle de crises pétrolières chroniques, sans solution viable en vue.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com