Le gouvernement et le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) se sont offert, une fois de plus, une scène d’autocélébration soigneusement chorégraphiée. Réunis en « séance solennelle » sous la présidence de Laurent Saint Cyr, avec le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et une brochette de ministres, ils présentent l’adoption du Projet de Décret Électoral comme une percée historique, alors qu’il ne s’agit que d’un exercice formel tardif que tout pouvoir transitoire aurait dû accomplir depuis longtemps.
Le communiqué insiste avec un enthousiasme presque suspect sur la « rigueur » de l’examen du décret et sur son adoption « à l’unanimité ». Mais dans un Conseil des Ministres qui fonctionne essentiellement en vase clos, cette unanimité sonne davantage comme une formalité automatique que comme le fruit d’un véritable débat. La présentation de cette adoption comme une « étape majeure et décisive » ressemble moins à une avancée qu’à une tentative de transformer un simple acte administratif en événement politique majeur.
Le Premier ministre et son gouvernement, dans une envolée de promesses, affirment leur détermination à garantir un processus électoral « transparent, inclusif et sécurisé ». Une triade de mots creux, répétés d’un communiqué à l’autre, qui ne masque en rien l’absence totale d’éléments concrets : aucun calendrier dévoilé, aucun dispositif détaillé, aucune mesure clairement identifiable. Seulement des déclarations martelées comme des slogans, laissant le public face à un vide politique soigneusement enveloppé de termes techniques.
Le chef du gouvernement va jusqu’à affirmer que « toutes les ressources de l’État » seront mobilisées pour organiser des élections dont la date n’est toujours pas connue. La publication du décret dans Le Moniteur est brandie comme un « signal fort » à la nation et à la communauté internationale, comme si l’encre de l’imprimerie suffisait à rétablir la confiance, à réparer l’usure institutionnelle ou à garantir la tenue effective d’un scrutin attendu depuis trop longtemps.
La séance se conclut par une déclaration solennelle selon laquelle la marche vers les élections serait désormais « irréversible ». Un mot lourd, utilisé comme un talisman, mais qui n’engage à rien tant que les autorités se contentent de répétitions rhétoriques au lieu de livrer des actions visibles, mesurables et crédibles.
En fin de compte, ce communiqué illustre parfaitement l’écart abyssal entre la communication triomphante du gouvernement et la réalité : un pays qui attend non pas des annonces soigneusement formulées, mais des actes concrets. À force de transformer chaque pas administratif en événement historique, le gouvernement et le CPT ne font qu’exposer leur incapacité à offrir ce que la population réclame depuis des mois : une transition qui avance réellement, et non un théâtre politique où les mots remplacent les résultats.
Mozard Lombard,
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