Réuni ce jeudi 18 décembre 2025 à la Villa d’Accueil sous la présidence de S.E.M. Laurent Saint-Cyr, Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le Conseil des ministres a, une fois de plus, donné l’image d’un pouvoir absorbé par sa propre mécanique administrative, pendant que la situation sécuritaire du pays, pourtant inscrite à l’ordre du jour, demeure sans réponse concrète visible.
La rencontre s’est soldée par l’adoption d’une longue liste de projets de décrets et d’arrêtés. Une accumulation impressionnante de textes, certes, mais qui interroge sur les véritables priorités de l’exécutif en période de transition. Alors que l’insécurité est officiellement discutée, aucune mesure spécifique, identifiable et directement opérationnelle n’a été annoncée à ce sujet. À la place, le gouvernement empile des réformes structurelles et des nominations diplomatiques.
Les projets de décrets portant organisation et fonctionnement de plusieurs ministères — le MHAVE, le MCFDF, le MJSAC — ainsi que de l’Administration Générale des Douanes (AGD) illustrent une obsession pour la réorganisation institutionnelle. Réorganiser, réviser, réaménager : le vocabulaire est rodé, presque mécanique, mais il peine à masquer l’absence de résultats tangibles pour une population en attente de décisions urgentes.
Plus préoccupant encore, le projet de décret encadrant l’exercice de la liberté d’expression et portant prévention et répression des délits de diffamation et de presse soulève de lourdes inquiétudes. Dans un contexte de transition politique, l’empressement à légiférer sur la presse et la diffamation apparaît pour le moins maladroit, sinon révélateur d’une tentation de contrôle plutôt que d’ouverture.
Le gouvernement se félicite également de l’introduction d’un mécanisme numérique de contrôle d’entrée et de sortie des voyageurs à travers une carte numérique baptisée « IKAT ». Une innovation technologique annoncée sans débat public connu, alors même que les bases institutionnelles et sécuritaires du pays restent fragiles.
À cela s’ajoutent des arrêtés « sanctionnant, pour sortir leur plein et entier effet », des documents stratégiques : lutte contre la traite des personnes, préparation aux crises de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Autant de plans et de stratégies qui, à force d’être validés sur le papier, finissent par perdre leur crédibilité faute de mise en œuvre perceptible.
Enfin, la séance a permis de nommer des ambassadeurs et des membres de conseils nationaux, notamment dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique. Des décisions importantes, certes, mais qui donnent le sentiment d’un État plus prompt à gérer des postes et des structures qu’à affronter de front la crise multidimensionnelle qu’il reconnaît lui-même.
En définitive, ce Conseil des ministres du 18 décembre 2025 restera comme un exercice bureaucratique dense mais creux, où l’abondance de décrets contraste brutalement avec le silence sur des actions immédiates et mesurables face à l’insécurité. À force de gouverner par textes et par titres, le CPT semble oublier que la transition ne se jugera pas à la quantité de documents adoptés, mais à l’impact réel de ses décisions sur la vie quotidienne des Haïtiens.
Mozard Lombard,
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