À l’approche du 219ᵉ anniversaire de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le gouvernement haïtien a, une fois de plus, sorti les grands mots pour honorer l’Empereur de la Liberté. À travers un communiqué diffusé ce 15 octobre, les autorités affirment leur « devoir sacré » d’honorer la mémoire du fondateur de la nation, tout en saluant des actions symboliques comme le nettoyage du monument dédié à Dessalines.
Mais faut-il se contenter d’un coup de balai pour laver des décennies d’oubli, d’indignité et de trahison envers l’héritage du héros national ? À moins de 48 heures de la commémoration officielle, le gouvernement s’empresse de « mobiliser toutes ses ressources » pour embellir un monument souvent négligé le reste de l’année. Une opération qui ressemble davantage à un geste de communication qu’à un engagement réel envers l’esprit de Dessalines.
Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé invite les Haïtiens à marcher sur les traces de Dessalines, mais quelle direction prendre lorsque le pays continue de sombrer dans l’insécurité, la misère et la fragmentation politique ? Peut-on parler d’unité nationale quand la majorité des citoyens vit dans la peur, abandonnée à elle-même face à la violence des gangs et à l’effondrement des institutions ?
Il faut saluer l’enthousiasme sincère de certains citoyens qui ont répondu à l’appel pour assainir l’espace sacré. Ce geste populaire, bien que modeste, reflète un profond respect pour l’homme qui a libéré une nation de l’esclavage. Mais il souligne aussi, en creux, le vide d’un État qui se souvient de ses héros surtout à date fixe.
Dessalines n’est pas seulement un symbole de liberté : il est l’incarnation d’une souveraineté radicale et d’une justice intransigeante. L’honorer réellement, ce n’est pas simplement fleurir un monument ou prononcer des discours enflammés. C’est bâtir un État digne de son sacrifice, affronter les ennemis internes et externes de la nation, et surtout, rendre justice à un peuple encore enchaîné par la pauvreté et la corruption.
En ce 17 octobre, le souvenir de Dessalines mérite mieux qu’un hommage de circonstance. Il exige un sursaut. Non pas de mots, mais d’actes. Car Haïti ne s’honore pas en répétant « Haïti se souvient » comme un mantra creux, mais en se relevant enfin.
Jean-Jacques Dessalines mérite plus. Haïti aussi.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com