Le Gouvernement haïtien a annoncé, en grande pompe, l’adoption du budget 2025-2026 lors d’un Conseil des ministres extraordinaire tenu au Palais National. Symboliquement forte, cette réappropriation du siège du pouvoir exécutif veut illustrer une restauration de l’autorité de l’État. Mais au-delà des déclarations officielles et de l’optimisme affiché, ce budget de 345 milliards de gourdes soulève bien des interrogations.
Présenté comme un « engagement fort » en faveur de la sécurité, de la lutte contre la crise alimentaire, de l’organisation d’élections démocratiques et du développement du pays, le document budgétaire entend répondre aux urgences nationales. Pourtant, il n’est pas évident que les grandes promesses se traduiront par des améliorations concrètes pour une population en détresse.
Sécurité et élections : un quart du budget, pour quels résultats ?
Alors que la population vit au rythme des exactions des gangs, des zones rouges et de l’effondrement des services publics, 16 % du budget est alloué à la sécurité et à l’organisation des élections. Une enveloppe conséquente, certes, mais qui pose une question de fond : injecter de l’argent dans des institutions dysfonctionnelles, sans réforme structurelle ni transparence, est-ce vraiment une solution ? L’histoire récente a montré les limites de cette stratégie.
Éducation, encore une priorité théorique ?
Avec 15 % du budget dédié à l’éducation, le gouvernement affirme faire du secteur un « pilier prioritaire ». Mais les montants alloués ne suffiront pas à régler les problèmes chroniques d’infrastructures délabrées, de personnel non formé, et de programmes inadaptés. Sans vision éducative cohérente, ces chiffres risquent de n’être qu’un écran de fumée.
Un financement fragile et des efforts fiscaux en question
Le budget sera financé à 70 % par les administrations fiscale et douanière, dans un pays où l’évasion fiscale est massive et la corruption endémique. L’absence de nouvelles mesures fiscales peut sembler populaire, mais elle interroge : comment combler les besoins croissants d’un État en crise sans élargir la base fiscale ni renforcer les mécanismes de recouvrement ?
Des intentions louables, mais une population méfiante
Soutien à la production locale, protection des entreprises, renforcement des effectifs dans la police et l’armée… Les annonces sont nombreuses et, sur le papier, cohérentes. Mais la confiance de la population est au plus bas. Après des années de budgets mal exécutés, de dérives clientélistes et d’absence de reddition de comptes, la société civile n’attend plus de discours : elle veut des résultats visibles.
Le budget de la dernière chance ?
Dans un contexte où l’État peine à se faire respecter et où la population endure une précarité alarmante, ce budget aurait pu être un tournant. Pour l’instant, il n’est qu’une déclaration d’intention. Reste à voir si l’administration Fils-Aimé saura, au-delà des mots, répondre aux attentes d’un peuple lassé des promesses creuses.
L’heure n’est plus aux communications triomphalistes, mais à l’action concrète.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com