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Le boycott électoral en Haïti est-il une stratégie efficace de contestation ou un piège qui renforce ceux qu’il prétend combattre ? Si l’on analyse l’histoire récente, une constante émerge : à chaque fois que l’opposition refuse de participer à un scrutin, ce ne sont pas les acteurs politiques qui en pâtissent, mais le pays tout entier.

Loin d’être une action neutre, le boycott compromet l’avenir démocratique, affaiblit les institutions et renforce l’instabilité. Il ne bloque pas les élections ; il garantit la victoire de ceux qui ont intérêt à ce que le scrutin ait lieu à tout prix.
Deux exemples marquants illustrent cette réalité.
1988 : Un scrutin contesté, un président élu malgré tout
Le 17 janvier 1988, Lesly François Manigat accède à la présidence. Pourtant, dès le départ, ces élections sont privées de leur essence démocratique.
• Les principaux partis et figures politiques de l’opposition refusent d’y participer, dénonçant un processus biaisé.
• La participation populaire est faible.
• L’élection se déroule dans un climat de méfiance et d’incertitude.
Mais malgré cela, le scrutin a lieu, les résultats sont proclamés, et Manigat devient président. Le boycott n’a pas stoppé la machine politique. Il l’a simplement laissée tourner au bénéfice de ceux qui avaient choisi de rester dans la course.
2000 : Une élection verrouillée, une opposition absente
Le 26 novembre 2000, Jean-Bertrand Aristide retrouve la présidence. Une fois de plus, le scénario se répète :
• Après le retrait des principaux partis d’opposition, la compétition est réduite à un candidat mineur et quelques indépendants.
• Selon certaines sources, le pouvoir en place aurait même financé des candidats fictifs pour donner une illusion de pluralisme.
Le résultat ? Sans adversaire sérieux, Aristide remporte l’élection haut la main. Et ceux qui ont boycotté le scrutin assistent, impuissants, à la consolidation du pouvoir en place.
Un schéma qui se répète
Depuis la fin de la dictature des Duvalier, Haïti n’a jamais réussi à instaurer une culture électorale stable et démocratique.
• 1987 : La première tentative d’élection libre après Duvalier est ensanglantée par le massacre de la rue Vaillant, où des dizaines de citoyens sont abattus en pleine capitale. Traumatisée, la population boude les élections de 1988, facilitant l’ascension d’un président contesté.
• 1990 : À la veille des élections remportées par Aristide, une bombe explose lors d’un de ses meetings, faisant plusieurs victimes.
• 2011 : L’opposition, réunie sous la bannière de l’Alternative, refuse d’entrer dans la course dès le départ. Résultat ? Michel Martelly bénéficie d’un boulevard électoral et s’impose comme président.
Le boycott, loin de contester le pouvoir en place, lui offre un cadre encore plus favorable.
Boycotter, c’est abandonner le pouvoir aux autres
Derrière chaque appel au boycott, un même piège se referme sur la population :
• Les acteurs politiques trouvent toujours un moyen de tirer profit de la situation.
• Les élections se tiennent malgré tout, avec une légitimité affaiblie et une offre politique réduite.
• La frustration populaire grandit, alimentant crises et violences, mais sans jamais déboucher sur une alternative crédible.
En réalité, le boycott ne sert que ceux qui souhaitent verrouiller le système. Il affaiblit les institutions, laisse la voie libre aux opportunistes, et empêche le pays d’évoluer vers une véritable démocratie.
2025 : Un rendez-vous crucial pour Haïti
D’ici la fin 2025, Haïti devra organiser de nouvelles élections. La question n’est pas de savoir si le processus sera parfait, mais si les citoyens choisiront d’y participer pour rompre enfin avec ce cercle vicieux.
Chaque Haïtien doit comprendre une vérité fondamentale : le changement passe par les urnes, pas par l’abstention.
• Voter, c’est empêcher qu’une minorité s’accapare le pouvoir avec la complicité d’intérêts étrangers.
• Choisir des dirigeants compétents, intègres et visionnaires, c’est transformer la classe politique haïtienne.
• Rejeter la violence et l’instabilité, c’est ouvrir la voie à un État souverain et fonctionnel.
Haïti ne peut plus être otage d’un éternel boycott. En 2025, le pays aura rendez-vous avec lui-même.
La question est simple : serons-nous acteurs de notre avenir, ou spectateurs de notre propre déclin ?
Sem Lapaix
Lascahobas, 10 janvier 2025