Ce lundi, le conseiller-président Leslie Voltaire, en compagnie de l’ambassadrice de Colombie en Haïti, Vilma Rocio Velázquez Uribe, et du directeur général de la FAES, Serge Gabriel Colin, a effectué une visite au camp colombien de Bourdon. Officiellement, il s’agissait d’un acte de coopération entre Haïti et la Colombie. En pratique, c’était une opération de communication bien huilée, où la symbolique a, une fois de plus, pris le pas sur la responsabilité politique.
Devant les caméras et sous les flashes, le même rituel : distribution de vivres, remise de kits d’hygiène, poignées de mains soigneusement capturées. Le conseiller-président a promis, une fois encore, que le Conseil présidentiel de transition (CPT) s’efforçait de « permettre aux personnes déplacées de rentrer chez elles dans les meilleurs délais ». Une promesse creuse, répétée à chaque visite officielle, alors que les familles entassées sous des tentes de fortune attendent depuis des mois un véritable plan de retour et de sécurité.
Sur le terrain, rien ne change. Les déplacés survivent dans des conditions indécentes, dépendant de la charité publique et étrangère pour subsister. Le responsable du camp, dans un élan d’espoir, a exhorté les autorités à « poursuivre leurs efforts ». Mais combien d’appels semblables se sont déjà perdus dans le vide des déclarations sans lendemain ?
L’ambassadrice colombienne, fidèle au langage diplomatique, a réaffirmé la « solidarité » et la « disponibilité » de son pays à aider Haïti. Un geste louable, certes, mais qui souligne une dépendance structurelle : celle d’un État haïtien réduit à compter sur la compassion internationale pour combler ses propres défaillances.
Le CPT admet lui-même que cette distribution n’est pas une solution durable. Une admission lucide, mais tardive, face à l’effondrement des institutions, à l’insécurité généralisée et à la multiplication des camps de déplacés. Tant que les autorités se contenteront d’apaiser la misère plutôt que d’en traiter les causes, ces visites médiatisées ne seront que des pansements sur une plaie ouverte.
Sous couvert de solidarité et de coopération, cette journée à Bourdon aura surtout mis en lumière une vérité dérangeante : en Haïti, la compassion remplace la politique, et les gestes symboliques tiennent lieu d’action publique.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com