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Sécurité proclamée, promesses recyclées et écrans solaires : la gouvernance par communiqué

Une fois de plus, le gouvernement parle fort là où les résultats se font attendre. À l’occasion du premier forum de la Fédération nationale des Conseils d’administration communale (CASEC), le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a multiplié les déclarations d’autorité, appelant les élus locaux à mettre un « terme définitif » au grand banditisme sur tout le territoire national. Une formule solennelle, mais qui sonne surtout comme un aveu : l’insécurité reste totale, et l’État central en appelle désormais aux collectivités pour combler ses propres défaillances.

En proclamant 2026 « année électorale et de libre circulation des personnes et des biens », le Chef du Gouvernement semble décréter la réalité par la parole. La sécurité devient ainsi une « condition impérative et non négociable » des élections générales. Encore faut-il rappeler que cette condition, présentée comme une évidence, n’est toujours pas remplie au moment même où elle est invoquée. L’autorité affichée contraste avec l’absence de bilan concret, alors que l’objectif affiché est rien de moins que des élections « libres, inclusives et crédibles » dans les dix départements.

Le discours s’enrobe de dialogue institutionnel et de cohésion entre l’État central et les collectivités territoriales. Mais cette harmonie proclamée se heurte à un chiffre brutal : vingt-trois mois d’arriérés de salaires dus aux élus locaux. Le Premier ministre promet d’en « apurer une part significative », reconnaissance tardive du rôle stratégique de ces acteurs de proximité. Reconnaissance verbale, surtout, quand près de deux ans d’impayés témoignent d’une gouvernance qui découvre après coup l’importance de ceux qu’elle n’a pas payés.

La sécurité, encore et toujours, est renvoyée à des dispositifs annoncés. Le Président du Conseil supérieur de la Police nationale plaide pour la création de Conseils de sécurité dans toutes les sections communales et pour un mécanisme de partage d’informations entre élus locaux et autorités centrales. Autrement dit, l’État admet qu’il manque d’anticipation et de coordination, et promet désormais de les organiser. Une promesse de plus, structurée sur le papier, pendant que la population attend des effets tangibles.

En présence du ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, la « détermination sans équivoque » du gouvernement à renforcer les capacités des forces de l’ordre est répétée comme un mantra. Neutraliser durablement les groupes armés et rétablir pleinement l’autorité de l’État deviennent des objectifs martelés, présentés comme des préalables à l’émergence d’institutions élues légitimes. Là encore, l’insistance sur l’intention souligne surtout l’ampleur du retard.

Le moment le plus révélateur du communiqué arrive peut-être à la fin. Au nom de l’unité nationale et de la mobilisation populaire, le Premier ministre annonce qu’à l’occasion de la Coupe du monde 2026, chaque section communale sera dotée d’un téléviseur et de panneaux solaires pour soutenir les Grenadiers. Tandis que la sécurité, les salaires impayés et l’organisation d’élections souveraines restent en suspens, le gouvernement trouve le temps et les mots pour promettre des écrans. Symbole troublant d’une gouvernance qui, face à des crises structurelles, mise sur la distraction collective et l’émotion sportive pour nourrir l’espérance.

Au final, ce communiqué ressemble moins à un plan d’action qu’à un exercice de communication. Beaucoup d’autorité affichée, des engagements répétés, et une avalanche de promesses — de la sécurité totale aux téléviseurs solaires — qui laissent une question centrale sans réponse : quand les paroles céderont-elles enfin la place aux faits ?

Mozard Lombard,

mozardolombardo@gmail.com

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