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Vœux creux à la Villa d’Accueil : la liturgie du pouvoir en guise de politique

Pendant que le pays attend des actes, le sommet de l’État a offert un rituel. À la Villa d’Accueil, le Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Laurent Saint Cyr, et le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ont présidé une cérémonie de vœux de fin d’année où la solennité a tenu lieu de programme et la rhétorique de substitut à l’action.

Tout y était : usages protocolaires, traditions républicaines, grands corps de l’État, corps diplomatique, partenaires internationaux. Tout, sauf l’essentiel. L’événement s’est déroulé comme une démonstration de conformité institutionnelle, soigneusement empilée de formules consacrées — « responsabilité », « détermination », « intérêt supérieur de la Nation », « continuité de l’État » — sans qu’aucune précision concrète ne vienne rompre l’incantation.

Le Président du CPT a rappelé la « portée institutionnelle » de son mandat et réaffirmé l’engagement à créer des conditions « politiques, sécuritaires et institutionnelles » pour des élections « libres, inclusives et crédibles ». La liste est complète, la promesse intacte, le calendrier absent. Rien n’indique comment, quand, ni par quels moyens ces conditions seront réunies. La démocratie est invoquée comme un mantra, jamais comme une feuille de route.

Même partition du côté du Premier ministre. Vœux officiels, remerciements appuyés à la communauté internationale, engagement « sans relâche » pour la sécurité des personnes et des biens, et pour le retour à un « ordre constitutionnel fondé sur la légitimité populaire ». Là encore, l’énoncé des objectifs remplace l’exposé des décisions. La reconnaissance du soutien international est réaffirmée, tout comme le respect de la souveraineté nationale — deux formules qui cohabitent sans être interrogées, comme si leur articulation allait de soi.

La cérémonie est présentée comme un « moment solennel de dialogue institutionnel et diplomatique ». Mais de dialogue, il n’est question que dans le décor. Aucune contradiction, aucune annonce, aucune exigence mesurable. La transparence est proclamée, jamais exercée. La responsabilité est invoquée, jamais engagée.

Au final, cette présentation de vœux ressemble à une autoportraiture du pouvoir en transition : une accumulation de symboles, une avalanche de principes, et une prudence extrême dès qu’il s’agit de s’obliger à des résultats. La stabilité nationale et le développement durable sont convoqués pour clore le propos, comme des horizons lointains censés justifier l’immobilisme immédiat.

À force de célébrer les formes, le sommet de l’État finit par confondre gouverner et réciter. Les Haïtiens n’ont pas besoin d’une liturgie institutionnelle de plus. Ils attendent autre chose que des vœux. Ils attendent des décisions.

Mozard Lombard,

mozardolombardo@gmail.com

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