Aux Cayes, le dimanche 14 décembre 2025, le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF) a clôturé en grande pompe les États généraux sur la participation politique des femmes et les violences électorales. Une troisième journée présentée comme « décisive », tournée vers « l’action » et « l’engagement national ». Pourtant, à y regarder de plus près, cette clôture laisse surtout transparaître les limites récurrentes d’un exercice institutionnel qui peine à dépasser le stade des intentions.
Après deux journées d’échanges et d’analyses, la dernière phase s’est voulue méthodologique et prospective. Madame Ketleine Charles a ouvert la journée en rappelant les objectifs généraux et la démarche adoptée. Une entrée en matière technique, mais révélatrice : encore des rappels, encore des cadres, encore des méthodes. Comme si, après des années de débats sur la participation politique des femmes et les violences électorales, il fallait toujours recommencer par expliquer la méthode plutôt que par présenter des résultats tangibles.
Les travaux en ateliers ont permis, une fois de plus, d’« approfondir les analyses », de « confronter les expériences » et de « formuler des propositions clés ». Les mots sont soignés, mais ils sonnent familiers. Renforcer la participation politique des femmes, répondre aux violences électorales, tenir compte des réalités départementales : autant d’objectifs répétés dans presque toutes les rencontres similaires, sans que l’on sache précisément ce qui différenciera cette édition des précédentes initiatives restées sans suites visibles.
Les interventions institutionnelles ont, elles aussi, suivi un scénario prévisible. Le commissaire divisionnaire Jonas Brutus, au nom de la Direction générale de la PNH, et la conseillère électorale Magalie Goerges ont réaffirmé la « nécessité d’un accompagnement durable des femmes ». Une nécessité unanimement reconnue, mais dont les contours restent flous. Aucun bilan, aucune autocritique, aucune indication claire sur les mécanismes concrets de protection ou d’accompagnement n’a été exposée publiquement lors de cette journée.
La ministre Pedrica Saint Jean a, pour sa part, insisté sur le caractère historique et abouti du processus, fruit des assises départementales. Elle a parlé de « tournant », d’« actions concrètes et mesurables » et de « responsabilité collective ». Là encore, le discours est fort, mais il repose essentiellement sur une promesse de traduction future des recommandations en engagements effectifs. Or, ce futur est précisément ce qui inquiète : combien de recommandations antérieures ont déjà été saluées, adoptées… puis oubliées ?
L’annonce de la création d’un Comité national de suivi, appuyé par dix comités départementaux, illustre parfaitement cette ambiguïté. Sur le papier, l’initiative est ambitieuse. Dans les faits, elle soulève une question centrale : en quoi ce nouveau dispositif échappera-t-il au sort de tant d’autres structures annoncées avec solennité, mais restées inefficaces faute de moyens, de volonté politique réelle ou de mécanismes de reddition de comptes ?
La déclaration finale, l’adoption du Plan d’Actions national et la signature d’engagements viennent clore ces États généraux dans une atmosphère consensuelle. Mais ce consensus masque mal l’essentiel : aucune évaluation publique des échecs passés, aucune remise en question institutionnelle, aucune garantie claire que ces plans et comités ne rejoindront pas les archives déjà bien fournies de l’administration publique.
Affirmer que « sans femmes, il n’y a ni élections crédibles ni démocratie solide » est une vérité indiscutable. Mais à force de la répéter sans en tirer des conséquences politiques immédiates et vérifiables, elle risque de perdre sa force mobilisatrice.
Au final, ces États généraux confirment surtout une constante : en Haïti, les femmes continuent d’être au cœur des discours, mais à la périphérie des décisions réelles. Tant que l’action concrète ne remplacera pas la ritualisation des engagements, la participation politique des femmes restera un objectif proclamé… plus qu’une réalité transformée.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com