À l’hôtel Oasis, l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA) et le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (RUEH) ont signé, ce vendredi, un protocole d’accord consacré au lancement officiel de la Chaire de Droit de la Protection et de la Sécurité sociale. Un acte fort, posé à l’occasion du 60ᵉ anniversaire de l’institution, célébré le 8 novembre dernier, et qui marque un changement de paradigme dans la manière d’aborder la protection sociale en Haïti.
La cérémonie, empreinte d’émotion et de solennité, a été dominée par le discours puissant du Directeur général de l’ONA, Ronald Bazile, véritable appel à la modernisation sociale et à la reconstruction d’un État protecteur.
« Aujourd’hui, nous ouvrons une nouvelle ère »
D’entrée de jeu, Ronald Bazile a placé cet événement sur l’axe de l’histoire : « Un moment où la mémoire et l’avenir se rencontrent ». Pour les 60 ans de l’ONA, il n’était plus question de simple commémoration, mais d’un geste fondateur. Selon lui, la Chaire représentera un outil de transformation, une plateforme nationale de réflexion et un instrument de modernisation sociale.
Saluant l’UEH comme « colonne vertébrale de la République », le Directeur général a adressé des remerciements appuyés au Recteur Dieuseul Prédélus, qu’il a décrit comme porteur d’une vision déterminante, et au Doyen de la Faculté de Droit, Me Eugène Pierre-Louis, dont il a souligné la rigueur et l’engagement.
Le diagnostic posé par Bazile est clair : la protection sociale demeure un domaine essentiel mais « mal compris », miné par idées reçues et confusions. La Chaire devra ainsi :
• combattre les préjugés,
• renforcer les capacités nationales,
• accompagner les réformes,
• promouvoir la recherche,
• développer des stratégies d’élargissement de la couverture,
• appuyer techniquement les institutions publiques et la société civile.
Un chantier titanesque pour un objectif majeur : construire un système inclusif, durable et adapté aux réalités nationales.
« La protection et la sécurité sociale n’est pas une charge, mais un pilier de la République », a martelé le Directeur général.
Le Doyen Pierre-Louis : « La victoire appartient à l’opiniâtreté et à l’audace »
Dans un contexte de vulnérabilité et d’insécurité, Me Eugène Pierre-Louis a salué un événement « capital pour l’État haïtien ». Pour le Doyen, le lancement de la Chaire incarne la persévérance et l’audace nécessaires pour reconstruire un État social.
Ses mots résonnent comme un appel à la constance dans l’effort, à la hauteur des enjeux.
Le Recteur Prédélus : rendre intelligible un système en crise
Le Recteur de l’UEH, Dr Dieuseul Prédélus, a exprimé sa grande fierté d’aboutir à ce partenariat. Son intervention a mis en lumière la réalité accablante d’un système de sécurité sociale marqué par un taux d’accessibilité très faible, laissant la majorité des travailleurs du secteur informel totalement exposés.
Son plaidoyer est sans ambiguïté : il faut rendre ce système « intelligible » et orienté vers le bien-être collectif. Les ambitions de la Chaire sont, selon lui, « à la fois ambitieuses et réalistes ». Il encourage l’ouverture vers des partenariats nationaux et internationaux pour bâtir une société fondée sur l’égalité et la justice sociale.
L’UEH, a-t-il rappelé, réaffirme son engagement total au succès de la Chaire.
Le Ministre Georges Wilbert Franck : « Ce sont les gens de lumière qui doivent mener le pays »
Le Ministre des Affaires Sociales et du Travail a salué avec force la collaboration entre l’ONA, la Faculté de Droit et l’UEH, voyant dans cette synergie « la base de la justice sociale au milieu des travailleurs ».
Il a toutefois dénoncé l’immobilisme de l’ONA durant ses 60 années d’existence, affirmant que cette initiative marque enfin une rupture historique. Pour lui, la Chaire ouvre la voie à une réflexion scientifique indispensable sur la sécurité sociale en Haïti.
Un second protocole : ONA scelle un partenariat avec le RAMSA
Dans la continuité de la cérémonie, l’ONA a signé un second protocole d’accord avec le Rasanbleman Madan Sara Ayiti (RAMSA).
Dans une nouvelle intervention, Ronald Bazile a mis en lumière un chiffre alarmant : la couverture de sécurité sociale en Haïti stagne à 8,2%. Pour y remédier, l’ONA lance le programme Kredi Espwa, remplaçant ONA Fanm, afin d’étendre la couverture et réduire le chômage. Il se montre optimiste : « Si nous restons sur cette lancée, dans 5 ans encore la couverture sera augmentée. Le taux de chômage sera nettement diminué. »
Les Madan Sara enfin reconnues
La Présidente du RAMSA, Jocelyne Jean Louis, a salué ce partenariat qu’elle considère comme une avancée symbolique pour les Madan Sara, pilier silencieux de l’économie informelle. « Je suis fière d’être Madan Sara », a-t-elle déclaré, remerciant le Directeur général pour son esprit d’ouverture.
Un mot de clôture empreint d’espoir
Le Directeur général adjoint, D’Johnson Absolu, longtemps critique du programme ONA Fanm qu’il qualifiait de « gaspillage », n’a pas caché sa satisfaction. Avec métaphore et optimisme, il a décrit cette signature comme des « fiançailles » : « J’aimerais dans les prochaines années que ces fiançailles se transforment en mariage. »
Un acte fondateur pour l’avenir national
Ce 14 novembre 2025 restera comme le jour où l’ONA, l’UEH et le MAST ont posé un jalon déterminant pour la construction d’une société plus juste. En lançant la première Chaire de Droit de la Protection et de la Sécurité sociale, Haïti se dote enfin d’un espace scientifique, institutionnel et stratégique pour repenser la solidarité nationale.
Un phare, comme l’a souhaité Ronald Bazile. Un phare pour éclairer les réformes, renforcer la compréhension citoyenne et préparer les bâtisseurs du système social de demain.
Une page nouvelle s’ouvre. Une page de dignité. Une page d’avenir.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com