Hier encore, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé s’est offert une nouvelle tribune médiatique pour proclamer son attachement à l’égalité des genres, lançant en grande pompe une « Campagne de sensibilisation, de mobilisation et de formation des femmes haïtiennes pour des élections inclusives ». Une opération de communication soigneusement emballée, mais qui, à y regarder de plus près, ressemble davantage à un écran de fumée qu’à une politique réelle.
Sous le slogan ronflant « Pa gen demokrasi san fanm », le chef du gouvernement promet monts et merveilles : incitations financières astronomiques, quotas électoraux et partenariats internationaux. Trois milliards de gourdes seraient ainsi prévus pour encourager la participation politique des femmes. Une somme faramineuse, surtout dans un pays où la majorité des écoles publiques manquent de bancs, où les hôpitaux ferment faute de médicaments, et où la population féminine vit dans la précarité la plus totale.
Les chiffres avancés — 40 % de femmes dans les structures électorales et 30 % de candidatures féminines imposées — sonnent bien sur le papier. Mais dans la réalité haïtienne, où l’appareil d’État reste verrouillé par des intérêts partisans, ces pourcentages ne traduisent rien d’autre qu’un exercice de cosmétique politique. La représentativité ne se décrète pas par décret électoral, et encore moins par le biais de primes promises à des partis souvent fictifs ou opportunistes.
Le Premier ministre, prompt à citer les grandes figures féminines de l’histoire nationale — Sanité Bélair, Catherine Flon, Claire Heureuse, Tante Toya —, oublie visiblement que ces femmes ne se sont pas illustrées par des discours ni des bonus électoraux, mais par le courage et le sacrifice. Leur héritage ne saurait servir de toile de fond à une opération de communication destinée à redorer le blason d’un gouvernement contesté et incapable de garantir la sécurité, la justice et les droits fondamentaux des femmes d’aujourd’hui.
En vérité, cette campagne présentée comme un acte fondateur de démocratie ressemble à une tentative désespérée de maquiller un pouvoir discrédité en champion de l’inclusion. Le mot d’ordre du jour — « Pa gen demokrasi san fanm » — aurait plus de poids si les femmes haïtiennes n’étaient pas chaque jour les premières victimes d’un État absent, d’une économie effondrée et d’une violence politique endémique.
Le gouvernement peut bien multiplier les slogans et les quotas ; tant que les femmes continueront de subir l’exclusion, la pauvreté et l’insécurité, sa « démocratie inclusive » restera une façade. Les héroïnes d’hier méritent mieux qu’une récupération symbolique. Et les femmes d’aujourd’hui, bien plus qu’une campagne, méritent un véritable changement.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com