Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a encore réuni, à la Primature, une brochette de figures nationales et internationales pour « accélérer le processus électoral ». Le communiqué officiel parle d’« engagement », de « dialogue » et de « souveraineté ». Mais à lire entre les lignes, cette grand-messe diplomatique ressemble davantage à une répétition bien huilée de promesses déjà usées qu’à une avancée réelle vers des élections concrètes.
Entouré de conseillers, de représentants du CEP, de la PNH, des FAd’H et des éternels « partenaires techniques et financiers », le Premier ministre s’est félicité d’un effort collectif censé garantir des scrutins « libres, inclusifs et crédibles ». Le ton est grave, les mots sont grands, mais le fond reste désespérément flou. Aucun calendrier clair, aucune garantie de sécurité, aucune réforme institutionnelle tangible : seulement une cascade de déclarations diplomatiques et de chiffres soigneusement alignés pour donner l’illusion du progrès.
Le gouvernement se vante d’avoir versé 70 millions de dollars au fonds électoral géré par le PNUD, tout en annonçant 3 milliards de gourdes pour les partis politiques. Des montants vertigineux dans un pays où les hôpitaux manquent de seringues et les écoles de bancs. L’argent coule, mais les urnes restent vides et les électeurs, eux, de plus en plus désabusés.
Et pendant qu’on parle de « renforcement des capacités » et de « régularisation » de 225 partis politiques, la réalité est tout autre : un paysage politique éclaté, sans vision, où chaque micro-parti cherche sa subvention plus que sa mission. Quant au projet de décret électoral, « en discussion » depuis des mois, il ne fait que prolonger l’attente d’un scrutin qui, à ce rythme, pourrait bien n’exister que sur le papier.
Le Premier ministre a beau parler de « souveraineté démocratique », la présence insistante des bailleurs de fonds internationaux dans chaque phrase du communiqué en dit long sur la dépendance structurelle de l’État haïtien. Derrière les mots « coordination » et « coopération », se cache une vérité amère : le processus électoral haïtien reste dicté par ceux qui tiennent la bourse, non par ceux qui détiennent le vote.
Au final, cette rencontre à la Primature ressemble à tant d’autres — un décor officiel, des discours bien calibrés, une promesse de calendrier jamais respectée. Le gouvernement Fils-Aimé prétend avancer vers des élections crédibles. Mais sans transparence, sans sécurité et sans véritable volonté politique, ces réunions de haut niveau ne font qu’ajouter une couche de vernis institutionnel sur une démocratie en ruine.
Un mot, pourtant, résume l’ensemble du communiqué : immobilisme.
Et c’est précisément ce que le peuple haïtien n’a plus les moyens de supporter.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com