En ce 219e anniversaire de l’assassinat du Général Jean-Jacques Dessalines, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a organisé une cérémonie d’hommage solennelle. Sous la présidence de Son Excellence Laurent Saint-Cyr, Président du CPT, et en présence de l’ensemble de l’appareil exécutif et sécuritaire du pays, l’État haïtien a, une fois de plus, rendu hommage à son Père fondateur dans une mise en scène à forte charge symbolique.
Mais que reste-t-il réellement de l’héritage de Dessalines, lorsque ce même État, qui prétend en défendre les idéaux, échoue année après année à garantir la paix, la sécurité et la dignité au peuple haïtien ?
Dans une allocution où les mots « liberté », « dignité », « paix » et « justice » ont abondé, le Président Saint-Cyr a dénoncé la montée de la violence, pointant du doigt les « bandits du centre et de l’ouest » comme les nouveaux ennemis de la nation. S’il a salué le courage des forces de l’ordre tombées au combat, il a surtout insisté sur la nécessité de ne pas céder, d’organiser des élections crédibles, et de poursuivre le dialogue avec les forces vives de la nation. Des promesses, certes, mais combien déjà entendues.
À l’écoute de ce discours, une question dérangeante s’impose : comment peut-on parler de rétablir la sécurité et d’organiser des élections libres dans un pays où les institutions sont provisoires, les routes coupées par des gangs, et les citoyens otages d’un climat de peur quotidien ?
Le Président Saint-Cyr affirme que « le temps des divisions est révolu », mais ce que vit le pays montre tout le contraire. L’unité nationale évoquée en ce jour de mémoire semble bien fragile, voire fictive, au regard des fractures sociales, politiques et territoriales qui paralysent Haïti. Les « ennemis » ne sont pas qu’à l’extérieur : ils sont aussi dans les défaillances persistantes de l’État lui-même.
Commémorer Dessalines ne devrait pas se résumer à citer son nom avec déférence. Cela suppose d’agir selon ses principes : protéger les plus vulnérables, affirmer la souveraineté du peuple, combattre sans compromis l’injustice. Or, les dirigeants présents aujourd’hui semblent plus préoccupés par le maintien de leur légitimité précaire que par une transformation réelle du pays.
La cérémonie du 17 octobre 2025 aura donc offert un spectacle familier : des mots forts, des promesses renouvelées, des appels à l’unité — mais sans réponses concrètes à la crise profonde qui ronge la nation.
À force de trahir l’esprit de Dessalines, on finit par ne commémorer qu’un fantôme.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com