Ce vendredi, les hautes sphères de l’État haïtien se sont réunies à la Villa d’Accueil pour commémorer le 219e anniversaire de l’assassinat de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, figure fondatrice de la Nation. Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, flanqué du Président du Conseil présidentiel de transition et de ses conseillers, a prononcé un discours chargé d’émotion et de formules solennelles, saluant « l’héritage impérissable » du Héros des Héros.
Mais derrière les mots grandiloquents et les rappels vibrants à la « dignité », à la « justice » et à la « souveraineté nationale », une réalité bien plus terne persiste : celle d’un pays enlisé dans l’instabilité, rongé par les violences, et dont les institutions vacillent entre intérim et impuissance.
Chaque 17 octobre, les dirigeants haïtiens répètent le même rituel — couronnes, hommages, promesses de fidélité à l’esprit de 1804. Mais l’écart entre la rhétorique et les actes semble s’élargir d’année en année. Comment célébrer l’unité nationale alors que le tissu social est déchiré ? Comment invoquer la souveraineté quand l’État peine à contrôler son propre territoire ? Quelle prospérité peut-on espérer dans un climat où la justice et l’égalité relèvent davantage du vœu pieux que d’une réalité tangible ?
L’hommage rendu à Dessalines, aussi noble soit-il dans l’intention, sonne faux lorsque la République qu’il a contribué à fonder est aujourd’hui fragilisée dans ses fondements mêmes. L’esprit de Dessalines ne se nourrit pas de discours, mais d’action, de courage, et de réformes profondes. Or, la classe politique actuelle semble plus à l’aise dans la mise en scène que dans l’engagement concret.
En 2025, le peuple haïtien mérite davantage qu’un énième communiqué pompeux. Il mérite des dirigeants capables de faire vivre les idéaux dessaliniens au quotidien, et non de les réduire à des symboles figés dans des cérémonies sans lendemain.
La mémoire de Dessalines réclame mieux que des mots. Elle exige des comptes.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com