Du 29 au 31 juillet, l’hôtel Villa Cana au Cap-Haïtien a accueilli un événement majeur pour l’avenir d’Haïti : le Forum d’engagement du secteur privé dans la réduction de la violence communautaire. Organisé par la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti (CCIH), en collaboration avec le Ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI) et le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), ce forum s’inscrit dans le cadre de l’élaboration du plan d’action national sur le désarmement, le démantèlement, la réinsertion et la réduction de la violence communautaire (DDR-RVC).
Un appel fort du secteur privé
Lors de son intervention, Monsieur Monode Joseph, Président d’honneur de la CCIH, a posé le ton :
« La violence communautaire, nous le savons, naît là où l’État est absent, où l’espoir est rare et où l’économie est informelle. Il est donc temps que le secteur privé assume pleinement son rôle de co-architecte du développement. »
Convaincu que la lutte contre la violence dépasse le domaine sécuritaire, M. Joseph a plaidé pour une mobilisation coordonnée du secteur privé autour de quatre axes stratégiques :
- Créateur d’opportunités économiques inclusives : Emplois décents dans les zones à risque, soutien aux PME, valorisation des jeunes et des femmes dans les chaînes de valeur territoriales.
- Acteur de la paix économique territoriale : Investissements ciblés dans les zones vulnérables, création de « zones économiques de paix », partenariats avec les ONG et les collectivités.
- Leader d’influence et de plaidoyer : Interpellation de l’État pour des politiques cohérentes, médiation entre les parties prenantes, participation aux réformes locales.
- Co-investisseur dans la réinsertion sociale : Programmes de formation, initiatives culturelles et éducatives, mentorat pour les jeunes désarmés ou à risque.
Vers une posture proactive
Le forum a marqué un tournant dans la posture du secteur privé. Longtemps perçu comme victime de l’insécurité, celui-ci entend désormais devenir acteur actif du changement. M. Joseph a détaillé une stratégie d’engagement articulée autour de plusieurs leviers :
• Institutionnalisation de l’engagement via les chambres de commerce ;
• Création de coalitions d’entreprises locales œuvrant pour la paix ;
• Financement de l’innovation sociale, notamment dans les quartiers sensibles ;
• Mise en place d’indicateurs d’impact concrets pour mesurer les progrès sur le terrain.
Un partenariat indispensable avec l’État
Le secteur privé ne peut toutefois agir seul. Pour qu’il puisse pleinement jouer son rôle, un appui structurant de l’État est indispensable. Le forum a donc appelé à :
• La mise en place d’incitations fiscales ciblées ;
• L’amélioration de l’accès au crédit pour les entreprises engagées dans la réduction de la violence ;
• La création d’un cadre juridique clair pour les partenariats public-privé ;
• La mise en place de plateformes de dialogue entre l’État, les entreprises et la société civile.
Les Micro-Parcs Industriels (MPI) : Une solution territoriale
Parmi les solutions proposées, les Micro-Parcs Industriels (MPI) ont suscité un intérêt particulier. Définis comme des plateformes de production locale multisectorielle, connectées aux chaînes de valeur régionales, les MPI sont perçus comme des outils concrets de stabilisation.
Leurs impacts sont multiples :
• Économiques : création d’emplois, valorisation des filières locales ;
• Sociaux : réinsertion des jeunes, autonomisation des femmes ;
• Sécuritaires : désengagement des jeunes des groupes armés, apaisement des tensions locales ;
• Institutionnels : renforcement de la coordination entre acteurs publics, privés et communautaires.
Une responsabilité partagée
En conclusion, le message du forum est clair : la sécurité et la stabilité ne peuvent être atteintes sans une implication structurante du secteur privé aux côtés de l’État et des partenaires internationaux.
« Le secteur privé haïtien doit cesser de gérer la crise ; il doit devenir partenaire structurant d’une sortie de crise », a insisté M. Joseph.
Un engagement ambitieux, mais essentiel, pour transformer les zones de crise en espaces d’espoir, d’opportunités et de dignité retrouvée.
Mozard Lombard,
mozardolombardo@gmail.com